LA TRACHEO BRONCHO-MALACIE
DE L'ADULTE. Mise au point
Cette pathologie pourtant
fréquente, n'est pas connue. Ni du corps médical, ni chez les patients. Trouver
des articles sur ce sujet est mission presque impossible. Tout du moins en
français. Je n'en ai ai trouvé qu'un seul, sur internet, de Louvain en Belgique.
Avant de la voir, il faut faire
un petit rappel anatomique et physiologique rapide.
Rappels anatomiques
Les gros troncs bronchiques sont
fait d'anneaux cartilagineux pour maintenir ouverts les grosses bronches et la
trachée afin d'éviter qu'ils ne s'aplatissent, ceci pour favoriser l'écoulement
de l'air, dans les deux sens. On parlait d'ailleurs de
"trachée-artère" avant, terme
qu'il faut bien sur proscrire, car la trachée n'est pas une artère, et
n'est pas du tout faite sur le même schéma. Si quelqu'un vous parle de
"trachée artère", c'est un bon moyen pour voir qu'il n'y connaît
rien. Vous pouvez alors passer votre chemin et cesser de l'écouter.
Ces cartilages disparaissent au
niveau des petites bronches distales.
Il y a aussi les fibres
musculaires lisses, qui sont présentes sur les grosses bronches et disparaissent
totalement au niveau des petites bronches. Elles servent a garder une discrète
tonicité aux bronches, utiles pour l'expectoration notamment, et aussi
l'écoulement de l'air. Il n'y en a plus
au niveau des petites bronches distales.
(Quand un médecin vous parle
d'atteintes des petites bronches, méfiez vous, il n'a rien compris à l'anatomie
respiratoire ni à la physiologie respiratoire.)
L'asthme
est en grande partie du
à la contraction de ces fibres musculaires lisses, qui en se
contractant, réduisent
le diamètres des grosses bronches. Comment parler d'asthme sur une zone
où ces
fibres musculaires lisses sont absentes? Et la contraction de ces fibres
musculaires lisses n'est pas due à l'inhalation d'un allergène, mais à
cause d'une infection bactérienne (cf article publié précédemment)
Alors ils vous montrent sur la
spirométrie qu'ils viennent de faire les valeurs qui prouveraient leurs dires,
à savoir les "fameux" DE 25-75 !
C'est une très vieille équipe
française qui avait les premiers parlés de ces DE 25-75. Des Américains, Gelb, William, Zamel, probablement
ulcérés d'entendre parler de ces paramètres, alors qu'ils s'étaient rendu
compte qu'ils étaient faux et qu'ils ne servaient à rien, ont fait une étude
magistrale qu'il ont publié dans revue "Chest" aux USA en 1983, (Spirometry.
FEV1 vs FEF25-75 percent), où ils démontrent de façon magistrale que ces DE
25-75 ne servent à rien, mais qu'ils peuvent induire de faux diagnostics si
l'on s'en sert pour faire des diagnostics. Et en France, on ne se prive pas de
les utiliser ! Ils sont mêmes enseignés en faculté de médecine, y compris en
spécialité pneumologique! Cet article pourtant paru en 1983, n'a à ce jour
atteint qu'une poignée de pneumologues français….
Sachez que seul le VEMS (Volume
Expiré Maximum la première Seconde) est utile pour faire le diagnostic d'asthme
(entre autres) et absolument aucun autre critère!
Une équipe pédiatrique a même
fait paraître dans la principale revue pneumologique française un article sur
le diagnostic et l'évolution de l'asthme chez l'enfant en se basant sur le DE
25-75. Vous voyez le niveau français….. Sans commentaire.
Après la "trachée-artère", c'est donc un autre moyen de voir si le médecin qui est en face de vous est
compétent ou non. S'il parle d'atteinte des petites bronches, fuyez.
Les fibres musculaires lisses
distales (petites bronches) sont absentes des bronches jusque environ l'age de
6 ans. Cela veut dire que l'asthme avant 6 ans est impossible. Personnellement,
j'ai quand même vu de vrais asthmes avant 6 ans, mais très rarement (1 fois). En tout cas, avant l'age de 3 ans, l'asthme
n'existe pas. C'est un fait anatomo-physiologique. Un enfant, c'est petit, cela ne sait pas lire
avant 6 ans en général, cela ne connaît pas l'histoire de France, ni ne peut
déchiffrer un algorithme. Leurs bronches, c'est pareil. Elles sont toutes
petites et immatures. Alors, qu'est ce qui siffle chez eux quand ils sont
malades? Si la bronche ne peut pas être
rétrécie de l'extérieur au niveau de sa paroi par la contraction de sa fibre
musculaire lisse, c'est que l'air passe mal a cause de quelque chose qui gêne
l'écoulement de l'air à l'intérieur de la bronche. A l'intérieur ! Tout est là.
Et qu'est ce qu'il y a à l'intérieur ? Des sécrétions bronchiques, du mucus, du
pus!!!!! Ils sont malades je le rappelle, parce qu'ils sont infectés! Avant de
prescrire leur ventoline/seretide qui ne sert absolument à rien, ces médecins
devraient prescrire en tout premier lieu 10 jours d'antibiotiques, et surtout pas de
l'amoxicilline qui ne sert plus à rien, mais de l'Orélox.
D'ailleurs le sifflement produit
par une bronche remplie de pus (wheezing) n'a rien à voir avec le sifflement produit
par une bronche d'asthme (sibilant). Mais comme les jeunes pneumologues se
foutent royalement de la sémiologie respiratoire….
Pourquoi cette introduction?
Parce que la trachéo-bronchomalacie est toujours confondue avec de l'asthme.
Ne
courez pas chez votre médecin
après avoir lu cet article, 90-95 % des médecins généralistes ne
connaissent
pas cette maladie. Comme il existe une forme atteignant le nouveau né,
transitoire, ils en ont entendu parler, du moins 5 à 10 % d'entre eux,
peut être plus. Mais
jamais chez l'adulte. Et environ 100 % des pneumologues ne la
connaissent pas.
Du moins en France, car j'ai trouvé un article Belge sur cette maladie.
C'est peu
certes, mais il y en a au moins un. Et comme c'est habituel, c'est une
équipe de Louvain
qui a écrit cet article. Les gens de Louvain sont impressionnants, et
ont toujours une (très grande) longueur d'avance. Ce sont eux notamment
qui ont bien décrit la sinusite de l'enfant (cf article sur ce site
publié bien avant)
Comme cela n'est pas enseigné en
fac, je pense qu'aucun grand professeur ne connaît la forme complète de cette
maladie.
Les symptômes
Contrairement aux habitudes de
description des maladies, je préfère commencer par les symptômes, les explications
physiologiques qui viendront après paraîtront évidentes.
Le maître symptôme est la toux,
retrouvé dans 100 % des cas. Elle a cette toux des caractéristiques qui font
d'emblée suspecter le diagnostic: elle est aboyante, caverneuse, violente, très
puissante en décibels. Elle n'est pas productive. Quand quelqu'un entre dans le bureau du
médecin, normalement le diagnostic devrait être fait, en 2 secondes. En théorie
seulement.
C'est toujours quelqu'un de plus
de 50 ans, surtout après 60 ans, de préférence, une femme, en surpoids, ayant
des antécédents de reflux gastro-oesophagien. Sachant que le reflux pourtant
bien présent n'a pas de symptôme clinique une fois sur deux, il n'est pas
nécessaire de retrouver la brûlure rétro-sternale ascendante (le pyrosis) à l'interrogatoire.
Bien que le diagnostic soit
évident à ce stade avec tous les symptômes décrits ci-dessus, il faut aussi
rechercher les symptômes absents.
Il n'y a pas de sibilants. On
retrouve par contre fréquemment un sifflement trachéal antérieur rétro-sternal,
très facile à reproduire volontairement, alors qu'il est impossible de
reproduire un sibilant toujours postéro-basal. Le sibilant est expiratoire en
fin d'expiration, le sifflement trachéal aux deux temps de la respiration,
inspiratoire et expiratoire.
Pas de sécrétions je le répète.
Radiographie pulmonaire normale.
Auscultation pulmonaire toujours
parfaitement normale.
Spirométrie toujours normale et
fait important, le test de réversibilité à la ventoline est toujours négatif.
Enfin, un des critères majeurs
est l'absence d'asthme "de novo" après 50 ans…..De novo veut dire
chez quelqu'un qui n'a jamais fait d'asthme avant. Je vois tous les ayatollahs
de la médecine se lever en bloc et s'époumoner et crier "quoi, pas
d'asthme après 50, c'est faux etc"
Et bien s'ils étaient bons
médecins, ils se seraient aperçus depuis longtemps qu'il n'y a jamais
apparition de vrai asthme après 50 ans. Personnellement, je pense que l'age peut être
abaissé à 40 ans. Ceci est un 3ème critère vous encourageant à fuir
s'il dit cela.
C'est tellement vrai que j'avais
diagnostiqué dès la première consultation chez une femme de 74 ans traitée pour
asthme depuis 4 ans au CHU qu'il y avait une erreur. J'avais demandé dès cette
1ère consultation un scanner de thorax, qui a fait le bon
diagnostic: il y avait une grosse tumeur carcinoïde dans la bronche souche
gauche qui l'obstruait de 90 %. Quand l'air passait dans la bronche, cela
sifflait. Tel un sifflet de gardien de la paix. C'était un wheezing,
pas un
sibilant. Et l'EFR était normale, ce qui en théorie aurait du mettre la
puce à
l'oreille de la pneumologue du CHU, si elle n'avait pas été dogmatique
et mono
diagnostic. Rassurez vous, cette dame va très bien après chirurgie et
elle a été ravie de m'avoir été confiée par son médecin traitant après 4
ans de traitement sans aucun résultat.
Quels sont les moyens de faire le diagnostic de certitude ?
Le scanner de thorax
peut le faire, mais ne le permet pas dans 100
% des cas. Il faut qu'il prenne une image en croissant de la trachée
principalement et/ ou des grosses bronches proximales, ce qui n'est pas
toujours facile, car la trachéomalacie bouge dans l'espace en fonction
de la respiration.La trachée s'ouvre en inspiration et s’aplatit en
expiration.
Mais c'est l'endoscopie bronchique le meilleur moyen diagnostic, fiable à 100 %. Mais ce n'est pas un
examen agréable. Il ne faut pas demander cet examen pour faire ce
diagnostic. On fera cette endoscopie si l'on suspecte une autre pathologie.
Restons humain.
On voit alors une trachée qui
s'écrase d'arrière en avant à la toux. L'endoscopie est un examen qui fait
tousser, il est impossible passer à coté. Il existerait des degrés de sévérité
selon le collapsus de la trachée à la toux. Cela n'a pas beaucoup d'intérêt,
sauf la fâcheuse habitude des médecins à tout classifier. En gros, si la trachée perd 50
% de son diamètre antéro-postérieur, c'est sévère. Si la paroi postérieure
vient s'écraser sur la paroi antérieure, c'est très sévère. Entre 25 et 50 %
c'est important.
Quel est l'écrasement normal
maximum ? Je n'en sais rien. Aucun chiffre n'est disponible à ce sujet. Je dirais
maximum 10 % selon mon expérience.
Cette flexibilité trachéale et
bronchique est la trachéo-malacie. Normalement la trachée et les bronches
doivent rester bien ouvertes lors des efforts de toux. L'écrasement antéro-postérieur
est minime.
La trachée à une face postérieure
musculeuse, alors que le reste est cartilagineux. La trachée a en gros la forme
d'un tunnel de chemin de fer, sauf que la partie plate est derrière. A la toux, les anneaux cartilagineux ne résistent
pas et s'ouvrent. D'où l'aspect en croissant au scanner.
Si l'on voit cela en endoscopie,
le diagnostic est certain à 100%
Physiopathologie.
Qu'est ce qui provoque cela?
C'est l'armature des bronches qui devient flasque. Les cartilages qui devraient
maintenir trachée et bronches ouvertes deviennent mous. Ce que je décris
entraîne un aplatissement trachéo-bronchique d'arrière en avant.
Il existe une autre forme de malacie qui transforme la trachée en
fourreau de sabre, avec écrasement des cotés. Cela se voit dans l'emphysème
évolué, le vrai emphysème, pas celui que l'on brade maintenant à tous les
patients sans preuve. C'est chez les fumeurs et anciens fumeurs, déjà en état
d'insuffisance respiratoire obstructive sévère (chute du VEMS). Autant la
trachéomalcie touche plutôt des gens en surpoids, l'emphysème rend ces patients
tout maigre (pink puffer) car ils ont consommé leur masse musculaire.
Ce ne sont pas les mêmes choses même
si grosso modo, ils ont tous les deux une "malacie" trachéale.
Et pourquoi ce résultat ? Tous
les rares auteurs qui décrivent cette maladie évoquent le reflux
gastro-œsophagien comme cause principale. Cela parait évident, les micro
aspirations de liquide gastrique, très acide, fini par détruire les cartilages.
Chez tous les patients que j'ai diagnostiqués, j'ai retrouvé cette notion de
reflux dans 100 % des cas.
L'infection
chronique n'est pas
une cause, contrairement à ce que j'ai pu lire par ci par là. En effet,
chez des
patients infectés sévèrement et de longue date comme lors des
Dilatations Des
Bronches, je n'ai jamais vu de malacie, alors que l'endoscopie est un
examen
très fréquemment réalisé en cas de DDB, pour trouver le germe en cause
lors des poussées et
obtenir un antibiogramme fiable, car les DDB s'infectent facilement avec
des germes peu usuels, très pathogènes, tel le pseudomonas
(pyocyanique), résistant aux antibiotiques usuels. Les DDB sont souvent
infectés par des germes nosocomiaux.
Certains pensent que le RGO
seraient secondaire à la malacie. C'est idiot.
Fréquence.
Et bien c'est très fréquent.
Malheureusement, il n'y a pas de chiffres officiels. Chez tout tousseur
chronique non productif de plus de 50 ans en surpoids si c'est une femme, il
faut y penser. Mais pas que cette population.
Il faut y penser systématiquement
chez tout patient de plus de 50 ans traité pour "asthme" car je le
répète, il n'y a pas d'asthme de novo après 50 ans
Il y a quelques années, j'avais
revu tous les comptes rendus des endoscopies que j'avais faites pendant plusieurs années. Il y avait un
nombre très important de patients chez qui j'avais vu cette anomalie, sans y prêter
plus d'attention que ça, mais en bon clinicien, j'avais noté l'anomalie sur le
compte rendu, sans la passer sous silence. Peut être avais je déjà
inconsciemment l'idée que ce n'étais pas si anodin ?
J'ai colligé 125 cas sur environ 1630
endoscopies entre 2000 et 2014, sachant que j'ai fait souvent plusieurs
endoscopies à un même patient. Le nombre est donc énorme, parce que l'on ne
fait pas d'endoscopie fréquemment à des patients jeunes avant 40 ans, et
sachant qu'au début je n'inscrivais pas systématiquement cette anomalie sur le
compte rendu, car considérée comme sans importance. Avant 2000 les comptes
rendus étaient tous manuscrits et pour l'année 2000, je n'en ai qu'un seul
informatisé. Je pense que mon expérience est pleinement significative, et statistiquement
parlante.
Une fois le diagnostic fait, quel traitement ?
En réalité, c'est surtout ce
qu'il ne faut pas faire qui est important !
En tout premier lieu, ne surtout
jamais prescrire de broncho-dilatateurs (ventoline et dérivés). Jamais. Tous
ceux qui ont écrit sur ce sujet disent la même chose, et j'ai pu moi aussi le constater. Cela aggrave la malacie
et fait perdurer la toux. Les bronchodilatateurs vont se fixer sur les
récepteurs β des bronches et aggraver la flaccidité des cartilages sous jacent
à la muqueuse.
Or, 100 % de ces patients sont
traités par des broncho-dilatateurs….. Et oui…. Sans commentaire.
Je me souviens d'un vieux
monsieur il y a quelques années qui venait tous les mois aux urgences, puis était
hospitalisé presque à chaque fois après. Crises d'asthmes était le diagnostic.
Or toutes ses EFR étaient normales. A l'hôpital on est moins regardant quant à
l'humanité, et il avait eu droit à son endoscopie. Que j'avais faite. Et j'avais vu une "belle" trachéo malacie. J'avais
alors dit qu'il fallait arrêter les bronchodilatateurs. Ce qui ne fut pas fait.
Par chance, on me l'avait mis à
ma consultation. J'avais alors stoppé et interdit ces bronchodilatateurs. Il ne
prenait plus aucun traitement. Il n'a pas fait une seule visite aux urgences
pendant plus d'un an après. Ses enfants étaient très contents de ce résultat, lui
aussi, mais il ne parlait pas très bien le français, et ne pouvait pas
s'exprimer comme il le voulait. Je le revoyais régulièrement en
consultation pas un seul symptôme, EFR
toujours normale. Et puis un jour un médecin a prescrit a nouveau de la ventoline.
Bingo, nouveau passage aux urgences en catastrophe. Mais je travaillais encore
dans cet hôpital, j'ai pu stopper cela rapidement. Ensuite, je suis parti (ras
le bol du système hospitalier). Je ne sais pas ce qu'est devenu ce patient
ensuite. Quelqu'un a du lui re-prescrire de la ventoline, a coup sur.
Donc surtout pas de broncho
dilatateurs sous quelque forme que ce soit.
Quand la malacie est sévère, avec
la paroi postérieure qui vient s'écraser sur celle de devant, il est facilement
concevable que cela puisse entraîner une
inflammation. Les corticoïdes inhalés, seuls bien sur, donnent de bons
résultats.
Le but étant de mettre ces parois
au repos.
Je prescrivais systématiquement
un traitement anti reflux, comme la plupart des auteurs (mopral, inexium).
Dans certaines formes sévères, certains
préconisent la chirurgie trachéale. Alors là, méfiance. Dès que l'on touche à
la trachée, surviennent les ennuis et les complications. En faisant ce qui
précède, et surtout en ne prescrivant jamais de bronchodilatateurs, on n'a
jamais besoin de chirurgie.
Surtout, rassurer, convaincre
tout le monde que ce n'est pas de l'asthme,c'est peut être la chose la plus
difficile à faire, surtout en ces périodes de dogmatisme et de pifométrisme
médical.
Voila, vous savez (presque) tout.
Prochain article : le syndrome
d'hyperventilation, (communément raccourci en SHV) hautement fréquent, tout
aussi méconnu, et lui aussi toujours traité pour de l'asthme….