samedi 5 mars 2022

LA TRACHEO-BRONCHOMALACIE DE L' ADULTE

 

LA TRACHEO BRONCHO-MALACIE DE L'ADULTE. Mise au point

 Cette pathologie pourtant fréquente, n'est pas connue. Ni du corps médical, ni chez les patients. Trouver des articles sur ce sujet est mission presque impossible. Tout du moins en français. Je n'en ai ai trouvé qu'un seul, sur internet, de Louvain en Belgique.

Avant de la voir, il faut faire un petit rappel anatomique et physiologique rapide.

 Rappels anatomiques

 Les gros troncs bronchiques sont fait d'anneaux cartilagineux pour maintenir ouverts les grosses bronches et la trachée afin d'éviter qu'ils ne s'aplatissent, ceci pour favoriser l'écoulement de l'air, dans les deux sens. On parlait d'ailleurs de "trachée-artère" avant, terme   qu'il faut bien sur proscrire, car la trachée n'est pas une artère, et n'est pas du tout faite sur le même schéma. Si quelqu'un vous parle de "trachée artère", c'est un bon moyen pour voir qu'il n'y connaît rien. Vous pouvez alors passer votre chemin et cesser de l'écouter.

Ces cartilages disparaissent au niveau des petites bronches distales.

Il y a aussi les fibres musculaires lisses, qui sont présentes sur les grosses bronches et disparaissent totalement au niveau des petites bronches. Elles servent a garder une discrète tonicité aux bronches, utiles pour l'expectoration notamment, et aussi l'écoulement de l'air.  Il n'y en a plus au niveau des petites bronches distales.

(Quand un médecin vous parle d'atteintes des petites bronches, méfiez vous, il n'a rien compris à l'anatomie respiratoire ni à la physiologie respiratoire.)

L'asthme est en grande partie du à la contraction de ces fibres musculaires lisses, qui en se contractant, réduisent le diamètres des grosses bronches. Comment parler d'asthme sur une zone où ces fibres musculaires lisses sont absentes? Et la contraction de ces fibres musculaires lisses n'est pas due à l'inhalation d'un allergène, mais à cause d'une infection bactérienne (cf article publié précédemment)

Alors ils vous montrent sur la spirométrie qu'ils viennent de faire les valeurs qui prouveraient leurs dires, à savoir les "fameux" DE 25-75 !

C'est une très vieille équipe française qui avait les premiers parlés de ces DE 25-75.  Des  Américains, Gelb, William, Zamel, probablement ulcérés d'entendre parler de ces paramètres, alors qu'ils s'étaient rendu compte qu'ils étaient faux et qu'ils ne servaient à rien, ont fait une étude magistrale qu'il ont publié dans revue "Chest" aux USA en 1983, (Spirometry. FEV1 vs FEF25-75 percent), où ils démontrent de façon magistrale que ces DE 25-75 ne servent à rien, mais qu'ils peuvent induire de faux diagnostics si l'on s'en sert pour faire des diagnostics. Et en France, on ne se prive pas de les utiliser ! Ils sont mêmes enseignés en faculté de médecine, y compris en spécialité pneumologique! Cet article pourtant paru en 1983, n'a à ce jour atteint qu'une poignée de pneumologues français….

Sachez que seul le VEMS (Volume Expiré Maximum la première Seconde) est utile pour faire le diagnostic d'asthme (entre autres) et absolument aucun autre critère!

Une équipe pédiatrique a même fait paraître dans la principale revue pneumologique française un article sur le diagnostic et l'évolution de l'asthme chez l'enfant en se basant sur le DE 25-75. Vous voyez le niveau français….. Sans commentaire.

Après la "trachée-artère", c'est donc un autre moyen de voir si le médecin qui est en face de vous est compétent ou non. S'il parle d'atteinte des petites bronches, fuyez.

 Les fibres musculaires lisses distales (petites bronches) sont absentes des bronches jusque environ l'age de 6 ans. Cela veut dire que l'asthme avant 6 ans est impossible. Personnellement, j'ai quand même vu de vrais asthmes avant 6 ans, mais très rarement (1 fois).  En tout cas, avant l'age de 3 ans, l'asthme n'existe pas. C'est un fait anatomo-physiologique.  Un enfant, c'est petit, cela ne sait pas lire avant 6 ans en général, cela ne connaît pas l'histoire de France, ni ne peut déchiffrer un algorithme. Leurs bronches, c'est pareil. Elles sont toutes petites et immatures. Alors, qu'est ce qui siffle chez eux quand ils sont malades? Si la bronche  ne peut pas être rétrécie de l'extérieur au niveau de sa paroi par la contraction de sa fibre musculaire lisse, c'est que l'air passe mal a cause de quelque chose qui gêne l'écoulement de l'air à l'intérieur de la bronche. A l'intérieur ! Tout est là. Et qu'est ce qu'il y a à l'intérieur ? Des sécrétions bronchiques, du mucus, du pus!!!!! Ils sont malades je le rappelle, parce qu'ils sont infectés! Avant de prescrire leur ventoline/seretide qui ne sert absolument à rien, ces médecins devraient prescrire en tout premier lieu 10 jours d'antibiotiques, et surtout pas de l'amoxicilline qui ne sert plus à rien, mais de l'Orélox.

D'ailleurs le sifflement produit par une bronche remplie de pus (wheezing) n'a rien à voir avec le sifflement produit par une bronche d'asthme (sibilant). Mais comme les jeunes pneumologues se foutent royalement de la sémiologie respiratoire….

 Pourquoi cette introduction? Parce que la trachéo-bronchomalacie est toujours confondue avec de l'asthme.

 Ne courez pas chez votre médecin après avoir lu cet article, 90-95 % des médecins généralistes ne connaissent pas cette maladie. Comme il existe une forme atteignant le nouveau né, transitoire, ils en ont entendu parler, du moins 5 à 10 % d'entre eux, peut être plus. Mais jamais chez l'adulte. Et environ 100 % des pneumologues ne la connaissent pas. Du moins en France, car j'ai trouvé un article Belge sur cette maladie. C'est peu certes, mais il y en a au moins un. Et comme c'est habituel, c'est une équipe de Louvain qui a écrit cet article. Les gens de Louvain sont impressionnants, et ont toujours une (très grande) longueur d'avance. Ce sont eux notamment qui ont bien décrit la sinusite de l'enfant (cf article sur ce site publié bien avant)

Comme cela n'est pas enseigné en fac, je pense qu'aucun grand professeur ne connaît la forme complète de cette maladie.

 Les symptômes

 Contrairement aux habitudes de description des maladies, je préfère commencer par les symptômes, les explications physiologiques qui viendront après paraîtront évidentes. 

Le maître symptôme est la toux, retrouvé dans 100 % des cas. Elle a cette toux des caractéristiques qui font d'emblée suspecter le diagnostic: elle est aboyante, caverneuse, violente, très puissante en décibels. Elle n'est pas productive.  Quand quelqu'un entre dans le bureau du médecin, normalement le diagnostic devrait être fait, en 2 secondes. En théorie seulement.

C'est toujours quelqu'un de plus de 50 ans, surtout après 60 ans, de préférence, une femme, en surpoids, ayant des antécédents de reflux gastro-oesophagien. Sachant que le reflux pourtant bien présent n'a pas de symptôme clinique une fois sur deux, il n'est pas nécessaire de retrouver la brûlure rétro-sternale ascendante (le pyrosis)  à l'interrogatoire. 

Bien que le diagnostic soit évident à ce stade avec tous les symptômes décrits ci-dessus, il faut aussi rechercher les symptômes absents.

Il n'y a pas de sibilants. On retrouve par contre fréquemment un sifflement trachéal antérieur rétro-sternal, très facile à reproduire volontairement, alors qu'il est impossible de reproduire un sibilant toujours postéro-basal. Le sibilant est expiratoire en fin d'expiration, le sifflement trachéal aux deux temps de la respiration, inspiratoire et expiratoire.

Pas de sécrétions je le répète.

Radiographie pulmonaire normale.

Auscultation pulmonaire toujours parfaitement normale.

Spirométrie toujours normale et fait important, le test de réversibilité à la ventoline est toujours négatif.

Enfin, un des critères majeurs est l'absence d'asthme "de novo" après 50 ans…..De novo veut dire chez quelqu'un qui n'a jamais fait d'asthme avant. Je vois tous les ayatollahs de la médecine se lever en bloc et s'époumoner et crier "quoi, pas d'asthme après 50, c'est faux etc"

Et bien s'ils étaient bons médecins, ils se seraient aperçus depuis longtemps qu'il n'y a jamais apparition de vrai asthme après 50 ans. Personnellement, je pense que l'age peut être abaissé à 40 ans. Ceci est un 3ème critère vous encourageant à fuir s'il dit cela.

C'est tellement vrai que j'avais diagnostiqué dès la première consultation chez une femme de 74 ans traitée pour asthme depuis 4 ans au CHU qu'il y avait une erreur. J'avais demandé dès cette 1ère consultation un scanner de thorax, qui a fait le bon diagnostic: il y avait une grosse tumeur carcinoïde dans la bronche souche gauche qui l'obstruait de 90 %. Quand l'air passait dans la bronche,  cela sifflait. Tel un sifflet de gardien de la paix. C'était un wheezing, pas un sibilant. Et l'EFR était normale, ce qui en théorie aurait du mettre la puce à l'oreille de la pneumologue du CHU, si elle n'avait pas été dogmatique et mono diagnostic. Rassurez vous, cette dame va très bien après chirurgie et elle a été ravie de m'avoir été confiée par son médecin traitant après 4 ans de traitement sans aucun résultat.

 Quels sont les moyens de faire le diagnostic de certitude ?

 Le scanner de thorax peut le faire, mais ne le permet pas dans 100 % des cas. Il faut qu'il prenne une image en croissant de la trachée principalement et/ ou des grosses bronches proximales, ce qui n'est pas toujours facile, car la trachéomalacie bouge dans l'espace en fonction de la respiration.La trachée s'ouvre en inspiration et s’aplatit en expiration.

Mais c'est l'endoscopie bronchique le meilleur moyen diagnostic, fiable à 100 %. Mais ce n'est pas un examen agréable.  Il ne faut  pas demander cet examen pour faire ce diagnostic. On fera cette endoscopie si l'on suspecte une autre pathologie. Restons humain.

On voit alors une trachée qui s'écrase d'arrière en avant à la toux. L'endoscopie est un examen qui fait tousser, il est impossible passer à coté. Il existerait des degrés de sévérité selon le collapsus de la trachée à la toux. Cela n'a pas beaucoup d'intérêt, sauf la fâcheuse habitude des médecins à tout classifier. En gros, si la trachée perd 50 % de son diamètre antéro-postérieur, c'est sévère. Si la paroi postérieure vient s'écraser sur la paroi antérieure, c'est très sévère. Entre 25 et 50 % c'est important.

Quel est l'écrasement normal maximum ? Je n'en sais rien. Aucun chiffre n'est disponible à ce sujet. Je dirais maximum 10 % selon mon expérience.

Cette flexibilité trachéale et bronchique est la trachéo-malacie. Normalement la trachée et les bronches doivent rester bien ouvertes lors des efforts de toux. L'écrasement antéro-postérieur est minime.

La trachée à une face postérieure musculeuse, alors que le reste est cartilagineux. La trachée a en gros la forme d'un tunnel de chemin de fer, sauf que la partie plate est derrière. A  la toux, les anneaux cartilagineux ne résistent pas et s'ouvrent. D'où l'aspect en croissant au scanner.

 Si l'on voit cela en endoscopie, le diagnostic est certain à 100%

 Physiopathologie.

 Qu'est ce qui provoque cela? C'est l'armature des bronches qui devient flasque. Les cartilages qui devraient maintenir trachée et bronches ouvertes deviennent mous. Ce que je décris entraîne un aplatissement trachéo-bronchique d'arrière en avant.

Il existe une autre forme de malacie qui transforme la trachée en fourreau de sabre, avec écrasement des cotés. Cela se voit dans l'emphysème évolué, le vrai emphysème, pas celui que l'on brade maintenant à tous les patients sans preuve. C'est chez les fumeurs et anciens fumeurs, déjà en état d'insuffisance respiratoire obstructive sévère (chute du VEMS). Autant la trachéomalcie touche plutôt des gens en surpoids, l'emphysème rend ces patients tout maigre (pink puffer) car ils ont consommé leur masse musculaire.

Ce ne sont pas les mêmes choses même si grosso modo, ils ont tous les deux une "malacie" trachéale.

 Et pourquoi ce résultat ? Tous les rares auteurs qui décrivent cette maladie évoquent le reflux gastro-œsophagien comme cause principale. Cela parait évident, les micro aspirations de liquide gastrique, très acide, fini par détruire les cartilages. Chez tous les patients que j'ai diagnostiqués, j'ai retrouvé cette notion de reflux dans 100 % des cas.

L'infection chronique n'est pas une cause, contrairement à ce que j'ai pu lire par ci par là. En effet, chez des patients infectés sévèrement et de longue date comme lors des Dilatations Des Bronches, je n'ai jamais vu de malacie, alors que l'endoscopie est un examen très fréquemment réalisé en cas de DDB, pour trouver le germe en cause lors des poussées et obtenir un antibiogramme fiable, car les DDB s'infectent facilement avec des germes peu usuels, très pathogènes, tel le pseudomonas (pyocyanique), résistant aux antibiotiques usuels. Les DDB sont souvent infectés par des germes nosocomiaux. 

Certains pensent que le RGO seraient secondaire à la malacie. C'est idiot.

 Fréquence.

 Et bien c'est très fréquent. Malheureusement, il n'y a pas de chiffres officiels. Chez tout tousseur chronique non productif de plus de 50 ans en surpoids si c'est une femme, il faut y penser. Mais pas que cette population.

Il faut y penser systématiquement chez tout patient de plus de 50 ans traité pour "asthme" car je le répète, il n'y a pas d'asthme de novo après 50 ans

Il y a quelques années, j'avais revu tous les comptes rendus des endoscopies que j'avais faites pendant plusieurs années. Il y avait un nombre très important de patients chez qui j'avais vu cette anomalie, sans y prêter plus d'attention que ça, mais en bon clinicien, j'avais noté l'anomalie sur le compte rendu, sans la passer sous silence. Peut être avais je déjà inconsciemment l'idée que ce n'étais pas si anodin ?

J'ai colligé 125 cas sur environ 1630 endoscopies entre 2000 et 2014, sachant que j'ai fait souvent plusieurs endoscopies à un même patient. Le nombre est donc énorme, parce que l'on ne fait pas d'endoscopie fréquemment à des patients jeunes avant 40 ans, et sachant qu'au début je n'inscrivais pas systématiquement cette anomalie sur le compte rendu, car considérée comme sans importance. Avant 2000 les comptes rendus étaient tous manuscrits et pour l'année 2000, je n'en ai qu'un seul informatisé. Je pense que mon expérience est pleinement significative, et statistiquement parlante.

Une fois le diagnostic fait, quel traitement ?

En réalité, c'est surtout ce qu'il ne faut pas faire qui est important !

En tout premier lieu, ne surtout jamais prescrire de broncho-dilatateurs (ventoline et dérivés). Jamais. Tous ceux qui ont écrit sur ce sujet disent la même chose, et j'ai pu moi aussi le constater. Cela aggrave la malacie et fait perdurer la toux. Les bronchodilatateurs vont se fixer sur les récepteurs β des bronches et aggraver la flaccidité des cartilages sous jacent à la muqueuse.

Or, 100 % de ces patients sont traités par des broncho-dilatateurs….. Et oui…. Sans commentaire.

Je me souviens d'un vieux monsieur il y a quelques années qui venait tous les mois aux urgences, puis était hospitalisé presque à chaque fois après. Crises d'asthmes était le diagnostic. Or toutes ses EFR étaient normales. A l'hôpital on est moins regardant quant à l'humanité, et il avait eu droit à son endoscopie. Que j'avais faite. Et j'avais vu une "belle" trachéo malacie. J'avais alors dit qu'il fallait arrêter les bronchodilatateurs. Ce qui ne fut pas fait.

Par chance, on me l'avait mis à ma consultation. J'avais alors stoppé et interdit ces bronchodilatateurs. Il ne prenait plus aucun traitement. Il n'a pas fait une seule visite aux urgences pendant plus d'un an après. Ses enfants étaient très contents de ce résultat, lui aussi, mais il ne parlait pas très bien le français, et ne pouvait pas s'exprimer comme il le voulait. Je le revoyais régulièrement en consultation  pas un seul symptôme, EFR toujours normale. Et puis un jour un médecin a prescrit a nouveau de la ventoline. Bingo, nouveau passage aux urgences en catastrophe. Mais je travaillais encore dans cet hôpital, j'ai pu stopper cela rapidement. Ensuite, je suis parti (ras le bol du système hospitalier). Je ne sais pas ce qu'est devenu ce patient ensuite. Quelqu'un a du lui re-prescrire de la ventoline, a coup sur.

Donc surtout pas de broncho dilatateurs sous quelque forme que ce soit.

 Quand la malacie est sévère, avec la paroi postérieure qui vient s'écraser sur celle de devant, il est facilement concevable que cela  puisse entraîner une inflammation. Les corticoïdes inhalés, seuls bien sur, donnent de bons résultats.

Le but étant de mettre ces parois au repos.

Je prescrivais systématiquement un traitement anti reflux, comme la plupart des auteurs (mopral, inexium).  

 Dans certaines formes sévères, certains préconisent la chirurgie trachéale. Alors là, méfiance. Dès que l'on touche à la trachée, surviennent les ennuis et les complications. En faisant ce qui précède, et surtout en ne prescrivant jamais de bronchodilatateurs, on n'a jamais besoin de chirurgie.

 Surtout, rassurer, convaincre tout le monde que ce n'est pas de l'asthme,c'est peut être la chose la plus difficile à faire, surtout en ces périodes de dogmatisme et de pifométrisme médical.

Voila, vous savez (presque) tout.

 Prochain article : le syndrome d'hyperventilation, (communément raccourci en SHV) hautement fréquent, tout aussi méconnu, et lui aussi toujours traité pour de l'asthme….


 

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